La Société d’Exercice Libéral à Responsabilité Limitée (SELARL) fait couler beaucoup d’encre. De nombreux professionnels de santé se questionnent sur l’intérêt de cette structure juridique et hésitent à franchir le pas. Mais alors que les Sociétés Civiles Professionnelles (SCP) et les Sociétés Civiles de Moyens (SCM) ont longtemps été privilégiées lorsqu’il s’agit de créer une société entre plusieurs praticiens, la Selarl semble offrir des règles aujourd’hui plus souples et avantageuses pour certaines professions de santé, tels que les chirurgiens-dentistes. On vous explique le fonctionnement d’une Selarl, ses avantages et ses inconvénients.
Sommaire
- Qu’est-ce qu’une Selarl?
- Comment fonctionne la Selarl?
- Quelle différence avec la Société Civile Professionnelle?
- Les avantages de la Selarl
- Les inconvénients de la Selarl
Qu’est-ce qu’une Selarl?
La Selarl fait partie des quatres types de sociétés d’exercice libéral (SEL). Elle correspond à une forme juridique déclinée de la Société à Responsabilité Limitée (SARL). La Selarl permet aux professions libérales d’exercer leur activité selon le modèle des sociétés de capitaux, et non sous le statut d’entreprise individuelle ou de société civile. Cela signifie que la société se focalise non pas en la personne que représente l’associé, comme le font les sociétés de personnes, mais sur les apports des associés au capital social de l’entreprise.
Comment fonctionne la Selarl?
Tout d’abord, la Selarl autorise le regroupement de praticiens d’une seule profession. Elle permet aux associés, appelés “gérants”, de partager les moyens (coûts de fonctionnement du cabinet, investissements) et la patientèle (honoraires). Ainsi, l’exploitation d’une Selarl permet à un gérant de percevoir deux types de revenus: une rémunération d’activité, aussi appelée “indemnité de gérance”, afin de rémunérer le travail effectué au sein de la société. Cela signifie que la Selarl encaisse l’intégralité des honoraires des praticiens, puis les reverse, en fonction de la part qui revient à chacun dans la répartition du capital social (quote-part). De cette manière, le salaire des praticiens est fixé à l’avance entre les associés et versé après avoir réglé les frais généraux (personnel, loyer, matériel, intérêts d’emprunt..). Par ailleurs, un associé peut être rémunéré par le biais du versement de dividendes de la société. Il perçoit ce revenu au titre de rémunération du capital et en qualité de “porteur de parts” ou actionnaire.
Quelle différence avec la Société Civile Professionnelle?
S’il existe plusieurs formes de Société d’Exercice Libéral: Selas, Selafa, Selurl, l’intérêt des professionnels de santé s’est indéniablement tourné vers la Selarl. Elle est aujourd’hui souvent considérée comme la forme de structure de regroupement la plus avantageuse, au détriment de la Société Civile Professionnelle (SCP). Ce désintérêt pour la SCP vient du fait que la Selarl se présente comme une structure plus ouverte. Premièrement, la principale différence entre la Selarl et la SCP est qu’elle permet aux associés d’intégrer des investisseurs extérieurs, non exerçant dans la société, ou encore d’autres sociétés de type holding (voir plus bas). Mais afin de préserver l’indépendance des associés, la législation impose le principe de double majorité: plus de la moitié du capital social et des droits de vote doit être détenu par des professionnels en exercice au sein de la société. Ensuite, la Selarl protège davantage le patrimoine privé de l’associé puisque la responsabilité financière des associés est limitée au montant de leur apport dans le capital. Il y a donc une réelle séparation entre patrimoine professionnel et privé. Au contraire, dans une SCP, la responsabilité financière des associés est illimitée, ce qui expose leur patrimoine personnel. Une autre différence est que le pouvoir de décision d’un associé en Selarl est proportionnel à ses parts détenues dans le capital social. En SCP en revanche, c’est le principe “un homme, une voix” qui est de mise. Enfin, lorsqu’un associé d’une Selarl décide de partir, les autres associés restants ne sont pas obligés de racheter ses titres (ce qui est obligatoire en SCP). De toute évidence, la Selarl comporte plusieurs avantages par rapport à la Société Civile Professionnelle. Elle présente encore de nombreux avantages sur le plan juridique, fiscal et patrimonial.
Les avantages de la Selarl
Une responsabilité limitée
En Selarl, la responsabilité financière d’un associé est limitée à hauteur de sa participation au capital. En d’autres termes, l’associé n’est pas tenu responsable des dettes sociales de l’entreprise, et le risque se limite à la perte de sa participation au capital de l’entreprise. En revanche, la responsabilité professionnelle engage chaque praticien personnellement. En effet, chaque associé répond sur l’ensemble de son patrimoine des actes professionnels qu’il accomplit. C’est pour cela qu’il est indispensable et obligatoire d’être couvert par une Responsabilité Civile Professionnelle. Cette séparation entre patrimoine privé et professionnel limite considérablement le risque de litiges éventuels entre associés. En cas de séparation par exemple, il est possible de mettre en place une “patrimonalisation” de la patientèle, c’est-à-dire de d’associer la patientèle du praticien à son patrimoine privé. Cela permet, en cas de retrait d’un associé ou de dissolution de la société, de récupérer son apport initial. Bien évidemment, ces principes ayant pour vocation de limiter les désaccords doivent être prévus en amont dans le contrat entre associés.
Une fiscalité avantageuse
Dans une Selarl, la rémunération des praticiens est déductible des bénéfices de l’entreprise. Or, c’est la Selarl qui est rattachée et supporte l’impôt sur les sociétés (IS). Ce sont les bénéfices de l’entreprise qui sont soumis à l’IS, plafonné à 33,33% pour les bénéfices imposables supérieurs à 75.000 € (ce qui est souvent plus favorable que le barème progressif de l’impôt sur le revenu). La charge fiscale est alors moindre puisque les bénéfices sont imposés une fois la part de rémunération des associés soustraite. A la différence d’une SCP dans laquelle tout le bénéfice (individuel et celui de la société) est soumis à l’impôt sur le revenu et aux charges sociales, seule la rémunération prélevée par l’associé est soumise à l’impôt sur le revenu (IR) et aux cotisations sociales. De plus, elle bénéficie d’un abattement (réduction) de 10%. Cette situation induit que si l’associé n’a pas besoin de prélever tout son bénéfice personnel pour vivre, il peut choisir de réduire sa part de rémunération liée à son salaire personnel afin de baisser sa fiscalité. Il pourra par ailleurs percevoir les dividendes de la société, versés après un abattement de 40% de la base d’imposition (ce qui est encore une fois avantageux). La Selarl dispose donc d’une fiscalité attractive dans le sens où elle permet d’optimiser sa fiscalité personnelle et ses cotisations en diminuant sa part de rémunération liée à son salaire (déterminé à l’avance entre les associés). De ce fait, les dirigeants de Selarl ont tendance à se rémunérer grâce aux dividendes plutôt qu’en salaire afin d’éviter les cotisations sociales trop conséquentes. Mais attention, un associé choisissant cette forme de rémunération doit veiller à ce qu’elle ne dépasse pas le seuil de 10% du capital social. En effet, la fraction de dividendes qui dépasse ces 10% sera incluse dans le calcul des cotisations sociales de l’associé qui les perçoit (URSSAF et caisse de retraite).
Une société ouverte aux capitaux extérieurs
La Selarl est par ailleurs très avantageuse car, comme toute société de capitaux, elle permet d’attirer des investissements extérieurs. Ce statut juridique est alors particulièrement prisé des professions médicales à fort besoin d’investissement comme les chirurgiens-dentistes ou orthodontistes. L’intérêt pour la Selarl s’est par ailleurs accentué ces dernières années du fait qu’il est possible, sous ce statut, d’avoir recours à des sociétés holdings. Par définition, une société holding est une personne morale qui détient des participations, c’est-à-dire des actions ou des parts sociales, dans d’autres sociétés. Dans le cas des professions de santé, ces sociétés holdings sont constituées sous la forme de société de participation financière de professions libérales (SPFPL). Pour résumer l’opération, les SPFPL sont créées et s’endettent en rachetant les parts de la Selarl. Les praticiens, détenant 100% du capital de leur Selarl, vont donc vendre leurs parts à ces holdings. Cette opération est avantageuse car elle permet au praticien de dégager des liquidités. Pourquoi? Parce qu’il pourra bénéficier du régime fiscal des plus-values, qui est appliqué aux entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés, donc à la Selarl. Ce régime fiscal est toujours moins coûteux que la fiscalité et les cotisations sociales appliquées sur les revenus du travail. C’est bien connu, la France taxe toujours plus le travail que le capital.
Un outil de transmission
La Selarl peut être aussi envisagée comme un moyen de transmettre l’outil de travail du professionnel de santé. Un gérant peut prévoir dans son statut de céder ses parts aux ayants droits minoritaires, progressivement, jusqu’à ce qu’ils deviennent ayants droits majoritaires. Ainsi, un chirurgien-dentiste pourra par exemple céder progressivement ses parts à ses enfants ou à des confrères extérieurs.
Les inconvénients de la Selarl
Avant de vous engager dans la création ou l’intégration d’une Selarl, il est vivement recommandé de vous faire accompagner par un expert juridique. Il réalisera une étude de faisabilité afin de déterminer si ce statut correspond bien à vos besoins et à votre projet professionnel. Il faut savoir que cette forme de société induit, d’une part, un certain formalisme pour sa constitution. En effet, la création d’une Selarl entre plusieurs associés nécessite la rédaction de documents complexes, en plus des documents relatifs à la création des statuts des associés. Ces documents concernent notamment le règlement intérieur du cabinet et le pacte d’associés qui régit les relations financières entre associés. Il est indispensable d’être bien conseillé et accompagné car la rédaction de ces documents est technique: ils peuvent contenir des clauses sensibles sur des sujets de retrait forcé de la société, d’exclusion ou de rétablissement en cas de sortie de la société…D’autre part, la comptabilité de la Selarl est complexe et coûteuse en raison de son assujettissement à l’impôt sur les sociétés. Cela implique des frais plutôt lourds pour l’établissement de bilans, la tenue de comptes annuels et annexes, la tenue d’assemblées générales, l’engagement de frais comptables de constitution de provisions et de gestion des provisions…C’est pour cela que les professionnels de santé qui s’engagent dans la création d’une Selarl le font souvent après quelques années d’exercice, après avoir acquis de l’expérience et la patientèle nécessaire. Mais malgré ces inconvénients, il est fort de constater que ce statut juridique tend à mieux répondre aux besoins actuels des sociétés regroupant plusieurs professionnels de santé.